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En ce temps froid de février la bande dessinée d’Igort, les cahiers ukrainiens publié chez futuropolis, n’apportera guère de chaleur humaine car c’est de souffrances dont il s’agit, celles infligées à l’Ukraine à l’époque de l’URSS, notamment lors de la grande famine de 1932 /33 , organisée par le pouvoir stalinien, qui fit de 3 à 5 millions de victimes.
Noir c’est noir, et l’auteur restitue pleinement ce tragique dans un dessin très sombre et très inspiré ; et un livre bien construit qui alterne portraits, récits et témoignages.
L’auteur a, en effet, fait le choix d’une série de récits illustrés, ponctués d’informations circonstanciées sur l’histoire du pays à travers les rapports des commissaires en place. En balançant d’un thème à l’autre, il procède par des ruptures graphiques intelligentes qui contribuent à la réussite de l’ensemble. Ainsi, il use parfois, en s’inspirant de photos de l’époque, d’un trait que, personnellement, j’affectionne : plein de déliés, de lignes qui se croisent, se recroisent pour aboutir à un dessin nerveux, sombre, endeuillé du récit dont il se fait l’écho.
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Les témoignages qu’il rapporte sont ceux de vieilles personnes, usées par les malheurs d’hier et d’aujourd’hui. Ce sont des récits terriblement durs. Leur traitement est l’objet d’un formant plus traditionnel à raison d’une structure identique de 3 à 6 cases par page, et au graphisme plus simplifié mais étonnement efficace où les traits sont dits cette fois-ce de manière plus élémentaire, la simplicité des lignes renvoyant au dénuement de ces gens. Les portraits officiels qui ponctuent l’ouvrage sont aussi bienvenues et mettent en lumière le grand écart entre le concret de vies difficiles et la » grandeur » supposée des hommes de pouvoir.
L’ouvrage assume pleinement le format éditorial du ‘’ cahier ‘’ en ponctuant le récit de titres sur papier ligné, par le choix, aussi, d’une tonalité sépia donné à l’ensemble qui donne le sentiment de feuilleter l’une de ces vieilles archives , découvertes au fonds d’un grenier, aux pages craquantes , à l’odeur un peu moisi.
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Les bandes dessinées qui croisent Histoire récente et témoignages abondent désormais. Du Mauss de Spigelmann à Joe Sacco , on ne compte plus les œuvres essentielles. On pourrait craindre la saturation mais Les cahiers Ukrainiens sont une nouvelle et puissante illustration du potentiel de la narration dessinée évoquant, de manière saisissante, la guerre que fit le pouvoir soviétique à son peuple. Rappel salutaire.
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