balade dessinée

Ulysse les chants du retour
8 mai, 2017, 12:12
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Voilà un mariage réussi d’intelligence du texte et de beauté des images. A l’instar de bien d’autres auteurs de bd ( de Pichard à Hugo Pratt )   Jean Harambat interroge le mythe d’Ulysse à la manière d’une enquête où apparaissent des spécialistes ( Jacqueline de Romilly, François Hartog  ) ou des figures moins attendues ( Jean Paul Kaufmann, Pierre Michon  … liste non exhaustive ! ) qui ponctuent le récit de leurs analyses , de leur sensibilité, et lui donnent de la profondeur.  La bd fait surtout la part belle à  l’historien et anthropologue Jean-Pierre Vernant qui est peut être l’autre héros de cette histoire et auquel le livre rend un touchant hommage.

De retour à Ithaque, Ulysse-le-mendiant  ne reconnait plus son île. Il doit reconstruire son identité, redevenir lui-même, et c’est par la « métis » – l’intelligence faite d’astuces et de dissimilations  -  qu’il y parvient. Reconnu tour à tour par son fils, son chien, sa servante il remet en place l’assemblage des pièces qui le compose … jusqu’à Pénélope. L’Odyssée  célèbre alors  « l’homophrosuné », la communauté de destin et de sentiment, toujours vive  malgré les vingt ans d’absence.

 

ulysse roi d'Ithaque

 

Jean Harambat a travaillé son sujet et cela se sent. Son approche sensible du mythe transparait  dans un scénario construit avec intelligence, tel l’agencement d’un puzzle. On songe parfois à un essai illustré. Son style très personnel, simple,  semi réaliste, inspiré en parti des vases grecs de l’époque antique, va à l’essentiel.  Il est servi par de belles couleurs  ( L’auteur parle lui – même de «  palette mycénienne » ) qui rappellent les lumières méditerranéennes. Il ne manque plus que les odeurs …

Le temps, l’identité, l’amour,  première ébauche d’une psychologie de soi … J.Harambat explore la  richesse du mythe qui nous parlant d’Ulysse nous parle de nous, de la fragilité du lien, de la vie, d’un homme qui est «  soi et les autres » ( Vernant ). Une grande BD.

 

ulysse paysage



Tendre Violette de Jean-Claude Servais et Gérard dewamme
5 août, 2013, 9:57
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                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    Je me suis offert une cure de jouvence,  un retour sur art séquentiel, un parcours dans  une suite d’images dans laquelle s’insère du texte  et qui, par leur succession forme un récit. Enfin bref, j’ai relu une « vieille » Bd.

Tendre Violette, de Jean Claude Servais au dessin et Gérard Dewamme au scénario.  Pas si tendre que ça la Violette. La couverture de 1982 annonçait la couleur:  un groupe de jeunes se bat, et au centre, Violette en furie.

C’est la campagne, à la fin du 19ème ou au début 20ème. Un monde âpre fait d’hommes rudes , de femmes jalouses, de rituels maléfiques, et, çà et là,  quelques bonnes âmes aussi.  Violette est une sensible qui a dû se blinder pour survivre. Elle vit seule dans la forêt proche. Le Bourg  est un endroit qu’elle nargue de sa superbe liberté. Sa beauté est son arme, et sa faiblesse. Elle suscite le désir, s’y plie, parfois de bonnes grâces, parfois moins, attire convoitise et hargne jalouse.  Entre la forêt et le village elle est l’entre-deux de la communauté .

Un notable  l’entretient, s’ amourache, elle fuit. Un mondain la veut pour femme, elle fuit. Elle tombe amoureuse d’un homme, il fuit, elle pleure. Tendre Violette est divisée en autant de chapitres que de rencontres : Julien, Perceven, Bourguignon .. Un Roman ? Plutôt une suite de nouvelles, car certains récits peuvent se lire indépendamment.                                                                                                                                                                                                                                                                                 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     

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                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 Une belle relecture.  J’ai l’impression d’être  passé à côté de Servais à l’époque du fameux «  A suivre ». Je redécouvre d’un autre œil son trait tout en finesse, presque fragile, mélange éclatant d’aplats noirs, de rayures, de déliés.  Inventif, Il excelle notamment dans les scènes de paysage. Servais est un grand dessinateur de la campagne. Il dit les feuilles, les arbres de manière sensuelle et palpable.  Certaines vignettes explosent de vert et de lumière … pour un album en noir et blanc voilà une belle réussite. Les ambiances sont bien posées. On sent la pesante moiteur de l’été ou la sombre inquiétude du soir.  De même les personnages, les foules sont dits avec justesse. On croirait y voir les vieilles cartes postales du début 20ème avec ses foires et ses marchés. Le dessinateur ardennais se décrit lui-même comme un dessinateur « provincial » et, par cette approche régionaliste, il est incontestablement à part dans le 9ème Art .                                                                                                                                                                    

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    

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                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   Un Roman « A suivre » inspiré de faits réels ? C’est ce que laisse à penser la préface de Dewamme qui signe un album de belle facture avec des personnages bien campés. Servais a, par la suite, poursuivi l’aventure en solo. Dommage qu’il n’ait pas continué avec ce noir et blanc qu’il domine magnifiquement.

 

 



TOUT SEUL de CHABOUTE
9 septembre, 2012, 11:58
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    Un graphisme somptueux qui marie le noir et le blanc de main de maître; un sens de la composition abouti; une narration habile et  juste, qui sait prendre le temps d’ installer une ambiance; un dessinateur aussi à l’aise dans le détail que dans les scènes plus larges;  un scénario inventif, intelligent et sensible, qui balance entre réel et imaginaire avec des moments d’un onirisme rare  : voilà le cocktail  pour réussir une grande œuvre et Tout seul de Chabouté en fait assurément partie. Facile hein ?

            « Tout seul » est un être difforme – un « monstre » – un orphelin né dans un phare qu’il n’a jamais quitté. Depuis 15 ans le capitaine d’un navire l’approvisionne en nourriture ( promesse faite à son père ) mais ne l’a jamais rencontré. Un marin qui l’accompagne un jour  de livraison s’en étonne et tente de dialoguer, par lettre, avec ce solitaire.

            «  Une vie à tourner en rond sur son caillou » ( le capitaine ), qu’est ce qu’on en fait ? On peut pêcher, bien sûr – ou nourrir son poisson rouge – mais « Tout seul » occupe surtout son temps en lisant les mots d’un dictionnaire et chaque définition est pour lui l’occasion de développer son imaginaire et de construire sa relation au monde. Cependant, ces mots piochés au hasard peuvent être cruels et la vérité froide des définitions le bouscule. Aidé de la fenêtre que lui ouvre ce marin , « tout seul » va apprendre le monde et s’accepter. De ce synopsis Chabouté tire un merveilleux récit.

     L’histoire se construit au rythme des mots rencontrés et les scènes où ce solitaire recrée, à travers eux,  le monde qui l’entoure sont particulièrement réussies. Récit essentiellement muet, on songe , le livre refermé,  à Comès et son Silence – sans doute son livre le plus réussi – à la fois par le graphisme ( ce noir et blanc mature et assumé ) et  la thématique, celle du monstre, mais aussi celle de la rémission possible. Un beau livre qui nous parle de solitude. Comment on la vit, comment on s’en arrange, comment on en sort.



Les cahiers ukrainiens
6 février, 2012, 12:15
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     En ce temps froid de février la bande dessinée d’Igort, les cahiers ukrainiens publié chez futuropolis,  n’apportera guère de chaleur humaine car c’est de souffrances dont il s’agit, celles infligées à l’Ukraine à l’époque de l’URSS, notamment  lors de la grande famine de 1932 /33 , organisée par le pouvoir stalinien, qui fit de 3 à 5 millions de victimes.

    Noir c’est noir, et l’auteur restitue pleinement ce tragique dans un dessin très sombre et  très inspiré ; et un livre bien construit qui alterne portraits, récits et témoignages.

     L’auteur a, en effet, fait le choix d’une série de récits illustrés, ponctués d’informations circonstanciées sur l’histoire du pays à travers les rapports des commissaires en place. En balançant d’un thème à l’autre, il procède par des  ruptures graphiques intelligentes qui contribuent à la réussite de l’ensemble. Ainsi, il use parfois, en s’inspirant de photos de l’époque,  d’un trait que, personnellement, j’affectionne : plein de déliés, de lignes qui se croisent, se recroisent pour aboutir à un dessin nerveux, sombre, endeuillé du récit dont il se fait l’écho.

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     Les témoignages qu’il rapporte sont ceux de vieilles personnes, usées par les malheurs d’hier et d’aujourd’hui. Ce sont des récits terriblement durs. Leur traitement est l’objet d’un formant plus traditionnel à raison d’une structure identique de 3 à 6 cases par page, et au graphisme plus simplifié mais étonnement efficace où les traits sont dits cette fois-ce de manière plus élémentaire, la simplicité des lignes renvoyant au dénuement de ces gens. Les portraits officiels qui ponctuent l’ouvrage sont aussi bienvenues et mettent en lumière le grand écart entre le concret de vies difficiles et la  » grandeur  » supposée des hommes de pouvoir.

  L’ouvrage assume pleinement le format éditorial du ‘’ cahier ‘’  en ponctuant le récit de titres sur papier ligné, par le choix, aussi, d’une tonalité sépia donné à l’ensemble qui donne le sentiment de feuilleter l’une de ces vieilles archives , découvertes au fonds d’un grenier, aux pages craquantes , à l’odeur un peu moisi.

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     Les bandes dessinées qui croisent  Histoire  récente et témoignages abondent désormais. Du Mauss de Spigelmann  à Joe Sacco , on ne compte plus les œuvres essentielles. On pourrait craindre la saturation mais Les cahiers Ukrainiens sont une nouvelle et puissante illustration du potentiel de la narration dessinée évoquant, de manière saisissante, la guerre que fit le pouvoir soviétique à son peuple. Rappel salutaire.



LA PROPAGANDE DANS LA BD
24 août, 2011, 21:35
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Le livre de Fredrik Strömberg, publié aux éditions Eyroles en 2010,  «  La propagande dans la bd  » promettait beaucoup et déçoit un peu . Sous une couverture cartonnée attrayante on trouvera en effet un ouvrage richement illustré, agréable à parcourir, très documenté, et largement ouvert sur le monde, même s’il fait la part belle à la production anglo-saxonne et est moins généreux sur l’école franco-belge. Strömberg , un bédéphile  suédois, nous ouvre sa bibliothèque et procède au catalogue raisonné de sa collection accumulée en 20 ans.

 

Il n’est pas douteux que le lecteur en apprendra beaucoup. Le genre des super héros y tient évidemment une place majeure , mais à coté des évocations assez classiques de captain America and co moins connu sont  Shaloman ‘’ l’homme de pierre ‘’ sorte de superman  israélien, aidant l’armée a lutter contre les palestiniens ou la série ‘’ 99 ‘’ – plus pacifiste celle là – du koweitien  Naif Al Mutawa, où les super héros incarnent les 99 vertus du dieu des musulmans. Bref, on en finirait pas d’égrener toutes les découvertes que nous propose ce voyage en pays de propagande : Des  brochures publiées par le fabricant d’armes Remington dans les années 50 à la série « Reagan’s raiders » , ode patriotique à la gloire de Reagan, les pépites sont nombreuses dans cet ouvrage savant sans être redondant.

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Pourtant le livre souffre à mon sens de deux faiblesses. La première est que l’auteur a choisi d’aborder la question de la propagande à travers un plan thématique : Politique, religion, éducation, guerre des peuples, des races , des sexes … le panorama est large mais finit par lasser ou mieux : nous perdre, car les exemples se succèdent, page après page , sans que l’on devine des tendances d’ensemble sur le siècle. Les époques se retrouvent d’une thématique à l’autre et elles souffrent d’un manque de contextualisation.  Sous-titré « un siècle de manipulation par l’image » le livre promettait un Histoire à laquelle il manque ici un peu de chronologie.        

 Surtout,  Strömberg donne au mot propagande une acception  très large – qu’il justifie en introduction - «  Le terme propagande sera considéré (…) relativement neutre – et tient compte de la définition du petit Larousse illustré ‘’ toute action sur l’opinion organisée en vue de répandre une opinion, une doctrine etc . ‘’ Ce parti -pris est évidemment tout à fait défendable. Que la propagande ne puisse se limiter à ses aspects les plus outranciers et politiques, celle, par exemple,  des pays totalitaires , cela n’ait  guère contestable. La publicité participe aussi d’une forme de discours propagandiste et toutes formes de pouvoir – religieux , politique, économique – use des médias – dont la bd – pour faire passer un message. Mais Strömberg choisit d’ouvrir trop grand les écoutilles et mêle ainsi dans le même ouvrage « les histoire de guerre illustrée » – petite brochure narrant la gloire des soldats nazis – et Mauss d’Art Spigelmann ! De même il est curieux d’y croiser  la bête est morte de Calvo ou V pour Vendetta de Moore et Lloyd.  De la même manière, certaines de ses opinions sont contestables :  voir dans le chinois de Luky Luke une vison raciste me semble exagéré. Il n’est guère de personnages de lucky Luke ( le noir, l’indien, le joueur de cartes … ) qui ne soit pas caricatures et les chinois n’ont guère à envier aux blancs qui y figurent ! 

 Voilà donc un livre un peu agaçant. Il se présente sous la forme d’une caverne d’Ali baba documentaire, qui rendra d’utiles services , mais l’auteur aurait gagné à resserrer son propos, à lui donner une profondeur historique et faire preuve, parfois,  d’un peu plus de discernement  dans ses choix.


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