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« Je peux me tromper mais je crois qu’on se souviendra où on était quand il y avait le confinement » : c’est une blague qui circulait sur le net quand nous vivions ce moment inouïe et c’est ce qu’on pourra dire aux gamins, quand on racontera ça comme des vieux cons sur nos bancs. Pour moi, pendant les vacances, l’après midi se passait le plus souvent fenêtre ouverte , le grand soleil inondant la table à dessin placée dans le salon. ( je parle au passé, cet enfer est terminé, n’est ce pas ? ). Chaque après midi avait sa musique particulière qui accompagnait le trait, l’humeur, l’inspiration. Je me suis amusé à reproduire quelques pochettes des cd qui m’ont accompagné à ce moment là.
Le maître dit : Etudier une règle de vie pour l’appliquer au bon moment, n’est ce pas là source de grand plaisir ? La partager avec un ami qui vient de loin , n’est ce pas la plus grande joie ? Etre méconnu des hommes sans en prendre ombrage, n’est ce pas le fait de l’homme de bien ? ( De l’étude )
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Le maître dit : les anciens avaient raison :
« au tir à l’arc , quelle vanité de vouloir transpercer la cible !
Il y en aura toujours de plus forts que toi .
Ce qui importe c’est la rectitude du geste » ( rites et Musique )
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Le maître dit : Si tu rencontres un homme de valeur , cherche à lui ressembler . Si tu rencontres un homme médiocre , cherche ses défauts en toi-même. ( Du ren )
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Le Maître dit : Boyi et Shuqi ne gardaient jamais le souvenir des torts subis. Aussi avaient-ils peu d’ennemis. ( Des hommes )
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Le Maître dit : Exige beaucoup de toi-même et peu des autres , c’est le moyen d’écarter toute animosité ( De l’homme de bien )
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Le Maître dit : Les Anciens étaient avares de mots par crainte de ne pouvoir les confirmer dans leurs actes. ( Du ren )
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Le Maître dit : Commettre une faute et ne pas s’en corriger c’est là la vraie faute ! ( De l’homme de bien )
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Le maître dit : Le deuil doit porter jusqu’à l’affliction , mais pas plus loin. ( De l’enseignement des disciples )
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Un jour qu’il se trouve au bord d’un fleuve, le Maître dit : Tout passe comme cette eau ; rien ne s’arrête ni jour ni nuit ! ( De la mission céleste )
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Le Maître dit : Concentre ta volonté sur la Voie, prends appui sur la Vertu , modèle tes actions sur le ren, et prends ton plaisir dans les arts. ( Du Maître )
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Le Maître dit : Se pénétrer en les méditant des choses connues , apprendre sans cesse du nouveau et enseigner sans relâche : cela du moins l’ai-je fait ? ( Du Maître )
J’ai toujours détesté les corneilles. A chaque fois que je les croise ou que j’entends leur chant guttural ça me fait froid dans le dos. Je n’aime pas ces bestioles.
Je me souviens avoir vu l’une d’elle se précipiter sur un moineau, dans la cour de mon immeuble, et l’attaquer mortellement au cou avant que je ne puisse intervenir.
Cet oiseau est comme l’antithèse de la grâce que l’on peut accorder habituellement à ses congénères : un chant léger, un plumage coloré, sa capacité à voler, son innocence. Ils sont lugubres perchés sur leur branche.
A l’inverse il m’arrive parfois de rencontrer, lors de mes promenades aux bords de l’Erdre, un héron – s’agit-il toujours du même ?
A force de le croiser j’ai fini par penser qu’il fut mon ami. Une sorte d’âme bienveillante qui s’invite de temps en temps, une rencontre gaie et souriante. Il a fier allure ce volatile perché sur son bateau, et si peu farouche.
Et les journées s’en trouvent comme confortées dans l’étonnement de cette rencontre. On garde longtemps le sourire aux lèvres dans les heures qui suivent.
Il me semble parfois que l’existence – la mienne en tout cas – balance trop souvent entre la corneille et le héron.
Parfois c’est la corneille qui parle. C’est le triste, l’inquiet. la tendance névrotique à faire parler ses échecs, à refaire les mêmes erreurs, à les réalimenter sans cesse dans une vision circulaire et morose.
ça peut s’appeler autrement : Manque de confiance , peur d’essayer, de rater, de réussir, d’être heureux, trop heureux, malheureux. Tous ces fils invisibles sont des parasites qui nous empêchent de vivre pleinement, en conscience.
Heureusement il y a le héron. La capacité à se faire surprendre chaque jour par des rencontres, en saisir le bon, s’en émouvoir gentiment.. Savoir vivre l’instant, sans se raconter d’histoires, être curieux ,calme, lé-ger.
ça s’appelle simplement la joie, et la joie c’est de l’amour : l’amour des gens, d’un homme, d’une femme, la nuit, le jour, l’amour du bon vin, des promenades au bord de l’eau, d’une musique, des voyages, d’un concert, d’un ami, d’une amie, d’un paysage, d’un beau ciel rougeoyant.
Curieusement alors que la tristesse est monolithique la joie est plurielle, plus riche en vérité, et bien plus féconde.
Bien sûr, c’est un chemin difficile, mais c’est le seul.
Voilà, c’est encore l’été. Les nuits sont chaudes, les femmes sont belles, les gens sourient, et moi j’avais juste envie de me redire ça, tant que j’en suis capable.
C’était en Irlande, la veille de mon retour pour la France. Cre-vé, couché tard avec le festival de musique irlandaise le soir précédent et les bières qui vont bien. Petite nuit.
Je me suis trompé de bus et me suis fait arrêté en urgence le long d’une nationale.
J’ai voulu traverser la route. J’ai oublié qu’en Irlande on roulait à gauche et j’ai regardé dans la mauvaise direction.
Absorbé dans mes pensées j’ai rien vu, rien entendu. Une voiture est passée à 80 km à l’heure et m’a frôlé à 25 ou 30 centimètres près. Je sais pas.
J’étais sonné.
Qu’est ce qui s’était passé exactement ? Est ce que ça avait eu lieu ? ça tient à quoi ? Une bière en trop ? Une courte nuit ? Un esprit qui n’est pas à ce qu’il fait ?
Pendant les deux jours qui ont suivi je suis resté chez moi. J’ai mis du temps à atterrir.
Je me suis souvenu de cette conversation que j’avais eu avec un ami quelques semaines auparavant.
« A mon âge on a plus le temps de se faire chier avec des connards, des embrouilles, des personnes tristes ou toxiques On fait le tri. »
« C’est con à dire mais maintenant je vais du côté des vivants. »
Du côté des vivants, c’est par là, à trente centimètres.
Il a dit du côté du vivant ou des vivants. Je m’en souviens plus.